uxeuil, fondation de saint Colomban, fut le premier monastère gaulois doù sortirent une quantité douvrages. Il commença sa production un demi siècle après sa création (vers la moitié du VII°s) mais bien quun fort aspect irlandais marquât la règle régissant ce monastère, les enluminures qui sortaient de son scriptorium ne présentaient guère de caractère " celtique ". Vers 732, ce sont essentiellement les ateliers de Laon, de Corbie ou de Flavigny qui, dans cette période précarolingienne, développèrent le style insulaire dans les illustrations de leurs ouvrages théologiques, psautiers et évangiles. Evidemment, leurs ornementations, en cadre, en lettrine ou en tableau ne fournissent pas à lensemble un caractère spécifiquement irlandais, elles sintègrent à un ensemble de type méditerranéen ou antique ; toutefois les origines mêmes de ces derniers thèmes ne sont pas exemptes non plus dinspirations extérieures. On voit donc pourquoi il est difficile de classer les compositions artistiques dune époque à partir de leur appartenance à une culture ou une civilisation quand celles-ci ne sont quune savante combinaison déléments iconographiques disparates. Comme il faut pourtant réussir à en dégager influence principale, on procédera par la dominance dun thème ou dun motif. Les cadres géométriques et les lettrines décorés de frises dentrelacs simples ou animaliers, une certaine abstraction inspirée du mysticisme celte, les dispositions des ornementations seront autant de thèmes communs à lenluminure pour illustrer cette " influence celtique ". La connaissance des ouvrages produits en Irlande permet de se détacher dune étude trop atomisée de liconographie mérovingienne et laisse apparaître cette dominante insulaire qui contrebalance lhéliotropisme implicite prévalant depuis la chute de Rome. Le règne des Pépinides inaugura un relèvement du pouvoir royal et avec Charlemagne, lautorité politique soutint la production croissante des livres bien écrits et bien orthographiés. Les irlandais, participants actifs de cette réforme, marquèrent donc leur présence dans des ouvrages toujours plus nombreux
Les émigrés venus de la lointaine Erin qui hébergeaient dans certaines régions du Regnum Francorum étaient enclins à manifester, dans leurs productions artistiques, littéraires et philosophiques, les germes dune celtitude qui leur faisait corps et quils avaient à cur de partager avec la grandeur impériale. Ces scriptoria se trouvent dans le nord et lest de la Francie, à Laon et Corbie, à Arras, Saint Amand, Saint Germain des Prés dans la région parisienne, dans la Meuse puis à Trèves, Mayence ainsi que dans les régions du sud de lAlémanie, à Saint Gall, à Salzbourg Témoins de leur enracinement sur le continent, des entrelacs ornent les bandes ou les coins de cadre des évangéliaires, de Godescalc, de Lothaire,j de Saint Vaast dArras ou dits de François II k . Des lettres ornées et des compositions animalières illustrent les folios des évangéliaires de Saint Médard de Soissons,l de Londresm ou dEbbonn et de bien dautres encore La plupart de ces manuscrits seront étudiés plus précisément en fonction de leur lieu dorigine et de la spécificité de leur décor. Ces uvres, étalées sur un siècle (de 780 à la fin du IX°s) et réalisées par des artistes en liaison très intime avec la cour, comportent tout ce qui avait fait la renommée des livres produits par les Irlandais en Irlande tels les Books of Durrow, Lindisfarne et Kells, cest à dire les portraits dévangélistes, les pages dincipit, les tables de canons.o A ces évangéliaires sajoutent dautres livres liturgiques, la Bible dAlcuin,p la Seconde Bible de Charles le Chauve,q le psautier de Louis le germanique,r la Bible de Saint Paul hors les Murs.j ou le psautier de Folchard.j j
Un regard porté sur les manuscrits du Haut Moyen Age engendre plusieurs observations ; la première dentre elles est que lart de lenluminure à cette époque est loin dapparaître uniforme. Certes, la liturgie fut unifiée sous Charlemagne mais cela ne suffit pas pour empêcher la peinture de puiser ses inspirations dans un répertoire très étendu de motifs et de formes et de se prêter parfois à linnovation. Ensuite, les différentes influences orientales, italiennes ou irlandaises et les souvenirs antiques ne sont pas entrés en conflit les uns contre les autres mais se sont souvent fondus ensemble avec habileté pour générer une nouvelle esthétique, mi solennelle, mi enfantine. Enfin, les artistes irlandais, héritiers du " passé barbare et païen " de lEurope, nont pas honteusement camouflé les plus grands thèmes de leur ornementation mais les ont développé fièrement au service du christianisme que propageaient leurs moines et lempire carolingien. Lhéritage de cette influence se révèle naturellement dans les régions qui abritaient ces exilés volontaires. Orfèvres, enlumineurs, scribes, savants et philosophes, tous procédèrent dune même volonté de mettre leur art au service du Monde. Et comment y avoir un impact plus grand autrement quen se rapprochant de lautorité temporelle la plus grande du moment ? Autant les moines britons réussirent la conversion de lIrlande druidique par celle des chefs des clans, autant auraient-ils du mal à réussir celle de lEurope entière en passant par les services de la Renaissance Carolingienne.j La cour était très sollicitée et les Irlandais nauraient de succès que si le Prince reconnaissait leur valeur. Durant le IX°s on remarque donc des vagues daffluence de liconographie celtique dans les manuscrits sous les règnes de Charlemagne (780/ 814) et Charles le Chauve (seconde moitié du siècle). Ce qui ne changeait pas, en revanche, cétait les techniques nécessaires à la réalisation de ces modèles entrelacés et les régions où ils étaient produits.
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