La présence des Celtes dans la Gaule
mérovingienne et carolingienne

I Les Bretons en Armorique :

L’émigration britonne j :

lettrine-a.gif (197 octets) u V°siècle de l’ère chrétienne, l’île de Bretagne subit avec le continent l’installation de peuplades germaniques sur son territoire. Des bandes d’Angles, de Saxons et de Jutes repoussèrent plus à l’ouest les populations celtes qui vivaient sur ces terres depuis plus d’un millénaire. Ceux que l’on dénommait sous l’antiquité Britons ou Bretons eurent le choix entre l’assimilation ou l’exil face à des peuples qui, bien que moins nombreux, n’en étaient pas moins belliqueux. Le témoignage de Bède le vénérable indique que malgré une forte résistance, l’unité relative qui prévalait depuis le départ des Romains de l’île, vola en éclat quand, vers 428,k ces Germains débarquèrent. Certains Celtes se mélangèrent aux Saxons, notamment dans le Somerset, le Gloucester et le Cumberland mais d’autres fuirent à l’ouest, déplaçant à leur tour les populations galloises vers l’Armorique et la Galice.

     Confirmant ce fait, les langues et dialectes armoricains actuels sont globalement identiques à ceux de Galles ou de Cornouaille anglaise. On a longtemps cru que si les Celtes des îles avaient choisi la destination de l’Armorique, c’était parce que cette terre était restée de langue et de culture celtique. Il n’en est rien… Alors que la présence romaine dans l’île de Bretagne n’avait été qu’un vernis, la péninsule gauloise avait conservé de forts attachements latins. Elle faisait partie de la III° Lyonnaise et cinq cités gallo-romaines partageaient son territoire, Namnetes, Redones, Veneti, Curiosolites et Osismii, respectivement Nantes, Rennes, Vannes, Corseul et Carhaix.l

j Par souci de lisibilité, on donnera le nom de Britons aux migrants venus de l’île de Bretagne et de Bretons à ces mêmes Celtes une fois installés en Armorique.

k Bède le Vénérable : Histoire ecclésiastique des Anglais, éd. Colgrave & Mynors, I, 15, ce dernier indique la date de 449.

l Paul Petit : Le Bas Empire, éd. Seuil 1974, p. 250.

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     Les écrits de Grégoire de Tours (… 595),j de Marius d’Avenches (… 593) et de Venance Fortunat (… 600) signalent les changements qui ont eu lieu en cette Région désormais appelée Britannia et ses habitants, anciens comme nouveaux, Britanni ou Britonnes. Confirmant également ce changement de nom, le concile de Tours en 461 mentionna la présence d’un " évêque des bretons " appelé Mansuetus mais dépourvu de siège.k Régulièrement, des vagues nouvelles de populations abordaient les côtes d’Armorique, l’une d’entre elles fut celle qui mena le roi Riothamus à la tête de douze mille guerriers vers 470.l

     Cette migration celte vers les terres continentales continua jusqu’au VI°s avec le départ des Cornovii et des Dumnonii de Cornouaille. Témoin de cet ultime déplacement, Tutwal, premier évêque du Trécor, est lui-même originaire de la Domnonée insulaire.

     Les grands évêques-abbés qui fondèrent les premiers monastères-évêchés de la Domnonée armoricaine (zone comprise entre l’Elorn et le Couesnon) étaient, quant à eux, Gallois d’origine (St Pol Aurélien, Lunaire, Samson, Méen, Malo et Magloire). Dans le pays de Léon, les nouveaux habitants étaient des Gallois venus de Caer Leon ar Wysc.

     Les Cornovii quittèrent leurs fiefs de Deva (Chester) et de Viroconium (Wroxeter) pour former la Cornouaille armoricaine entre l’Elorn et l’Ellé.m Confirmant ces faits, une foule de noms se retrouve en Armorique, de même, à l’heure actuelle, cornique et breton forment deux langues très voisines.n

j Grégoire de Tours : Histoire des Francs, éd. Belles Lettres, trad. Latouche ; IV, 4-20 ; V,16-29

k Dom Louis Gougaud : Les chrétientés celtiques, Paris 1911, p. 111

l Leo Fleuriot : Les origines de la Bretagne, Paris 1980, p. 168

m Dom Louis Gougaud : Les chrétientés celtiques, op. cit., p. 113-114

n J Loth : Revue celtique, XXII, 1901, p. 98-100. Les articles fort intéressants de ce linguiste font apparaître les différences entre les dialectes armoricains . Ainsi, un breton de Tréguier comprendra plus facilement un habitant de la Cornouaille anglaise que du Vannetais plutôt sous influence galloise et faiblement bretonisé.

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     Ces déplacements de populations ne se firent pas sans heurts, leur bon déroulement dépendait du tempérament des chefs qui les dirigeaient. Des luttes opposèrent souvent les émigrés celtes aux Francs ou aux populations autochtones…Les Bretons se révélaient alors aussi violents que les barbares qui les avaient dépossédés. En 519, les Saxons fondèrent le royaume de Wessex sur les territoires abandonnés par les Celtes. Un peu plus tôt, dans les années 470, les sujets de Riothamus s’opposèrent aux Francs avant d’opter pour un statu quo vers 497. j

     Dans le Vannetais, les migrants celtes formèrent le royaume du Bro Weroc (du nom de Waroc, chef breton qui dirigea des opérations contre les Francs). Ces combats opposant ces tribus celtes aux Germains illustrent le bellicisme qui régnait alors dans le sud de l’Armorique. De nombreux témoignages signalent que les pays de Rennes et de Nantes furent ravagés par les troupes de Waroc. k

     Bien que chrétiens, les Bretons n’hésitaient pas à saccager les lieux de culte. Régalis, évêque de Vannes, gémit : " conquis par les Bretons, nous avons été soumis à un joug qui est dur ". l Ces ravages durèrent jusqu’au IX°s et empêchèrent la fusion entre les éléments gallo-romains et bretons. On verra plus loin le comportement du roi des Bretons, Nominoé, envers les Armoricains, fidèles aux Francs, et au siège ecclésiastique de Tours. 

j L. Fleuriot : Les origines de la Bretagne, op. cit., p. 34

k D.L. Gougaud : Les chrétientés celtiques, op. cit., p. 116

l Grégoire de Tours : H.F., op. cit., X, 9

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