Evolution de l’Eglise de Bretagne :

lettrine-a.gif (197 octets) u V°s, l’Armorique était du ressort de la province ecclésiastique de Tours mais l’autorité de cette métropole était battue en brèche par le contexte de haine entre les Bretons et les Francs. Illustrant ce problème, le neuvième canon du concile de Tours en 467 préconisa l’interdiction de consacrer un évêque, qu’il soit breton ou romain, sans l’assentiment du métropolitain.k On sait que Félix, évêque de Nantes, et Victorius de Rennes assistèrent à ce Concile. Cette omniprésence des problèmes politiques eut un parallèle en Angleterre entre le clergé briton et Augustin de Cantorbury, apôtre des Saxons. Les Celtes repoussés par les envahisseurs refusaient, en effet, d’évangéliser les migrants germaniques, considérant que leur " méchanceté " leur interdisait de toute manière d’accéder au Paradis.

     Plus tard, le refus des Bretons d’Armorique de verser les tributs dus aux Francs fut la cause de l’intervention des armées de Charlemagne au cours de l’expédition de 799.j

     Sous Louis le Pieux, les armées impériales entrèrent trois fois en Bretagne pour réprimer les révoltes de Morvan en 818 et Wiomac’h (822-825). En 826, Louis confia le titre de duc au chef de clan Nominoé.

     A la mort de l’Empereur, le duc se rebella et provoqua la nouvelle intervention de Charles le Chauve. Ayant écrasé son adversaire franc le 22 septembre 845 à Ballons, Nominoé se proclama Roi de Bretagne et tenta, pour renforcer son pouvoir, d’inféoder l’Eglise armoricaine, notamment les sièges de Vannes, Quimper, Dol et Leon, en accusant leurs évêques pro-francs de simonie. La réaction du Pape Léon IV l’en empêcha. En obligeant la réunion d’un concile de douze évêques ou le témoignage de soixante douze personnes, le prince breton se contenta d’une simple pression psychologique ou physique pour faire fuir ces prélats gênants.k Les remplaçants que Nominoé installa sur ces sièges vacants ne trompèrent guère les évêchés voisins, si l’on en croît la lettre synodale rédigée par les évêques francs en 850 ou 851. Les nouveaux évêques y sont qualifiés de " mercenaires " ou de " brigands ".l Toujours acharné, en 849, Nominoé mit le feu au monastère de St Florent le Vieil et chassa de son siège Actard, évêque de Nantes.

     Cette situation, qui a des précédents, illustre une volonté toujours latente de potentats locaux de s’élever au rang du pouvoir supérieur en légitimant leur assise par l’établissement d’une clientèle dans les domaines qui font autorité. Charles Martel fit de même un siècle plus tôt pour s’opposer à la dynastie mérovingienne à bout de souffle, en commandant ses hommes d’armes devenus hommes d’Eglise.

k Preuve que cela n’était pas respecté, Mansi : Concil., op. cit., IX, 794 Leo Fleuriot : Les origines de la Bretagne, op. cit., p. 192

j Annales Francorum , Bouquet, V, p. 52, ad an. 799

k Dom Louis Gougaud : Les chrétientés celtiques, op. cit., p. 127-133

l MG, Epist. VI, p. 76 ; Léon IV traite par ailleurs le remplaçant d’Actard de Nantes, Gislard de " voleur " et de " larron " MG, Epist. V, p. 598

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     Pour que l’indépendance soit plus complète, il fallait que le siège métropolitain soit à l’intérieur du domaine breton. Rome étant consciente des visées autonomistes des Celtes d’Armorique refusa les allégations de Festien, devenu évêque de Dol en 859 et désireux, avec l’appui de Salomon, roi de Bretagne (857-874), de faire passer sa ville comme métropole ecclésiastique.j

     La présence des Britons en Armorique, née d’un mouvement de masse, diffère de la venue plus mesurée de leurs cousins irlandais dans le reste de la Gaule. On peut, en effet, difficilement comparer les raisons qui ont poussé plusieurs milliers de personnes, hommes, femmes et enfants, à quitter leur terre natale par peur ou par nécessité et celles qui ont amené quelques dizaines d’individus à s’exiler au nom d’un idéal.

     Le zèle qui porta tant d’Irlandais loin de leur patrie ne semble pas avoir animé au même point les anciens moines bretons. Comme on l’a vu, ces derniers sont restés au sein de leurs propres populations dans le mouvement migratoire du V°s. Les Irlandais, dénommés Scoti dans les sources du Haut Moyen Age, bien qu’aussi têtus que leurs cousins, firent preuve de davantage d’ouverture d’esprit en n’hésitant pas à aller au contact des étrangers.

j Liber Pontificalis, éd. Duchesne, t I, p. 376

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