II Les expansions irlandaises aux VIe et VIIe s :

Les Scots en Gaule du Nord au VIe s :

lors que, dans le courant du VI°s, la vague d’émigration britonne s’atténuait, quelques Irlandais se firent remarquer dans plusieurs cités de la Gaule franque. Cette arrivée de moines Scots,k que les Vitae tardives (X°/XIII°s) lient de parenté, reste toutefois exceptionnelle.l

     On retient les noms de Trésan, Maxence et Fridolin auxquels les hagiographes ont ajouté Gibrien, Hélan, Germain dit l’Ecossais (en fait le Scot) et bien d’autres, pour former un groupe à l’égal de celui de Colomban.

k Au cours de ce mémoire sera souvent utilisée l’expression francisée de Scots plutôt que sa forme latine Scoti.

l Jean Heuclin : Aux origines monastiques de la Gaule du Nord, PUL 1988, p.116-117

     Trésan serait remonté jusqu’à Paris et sa Vita nous narre les quelques difficultés de communication qu’il rencontra du fait de son ignorance de la langue franque.j Il aurait parcouru la campagne autour de Châlons-sur- Marne en compagnie de son frère Gibrien. Vers 508 on note leur présence à Reims, accompagnés de dix frères.k Trésan aurait reçu le sacerdoce des mains de saint Rémi sur l’intervention de Guénebaud, évêque de Laon.l De ces Irlandais du VI°s, il est le seul dont on connaît l’accès à la prêtrise.m

     On connaît peu de choses sur Maxence si ce n’est qu’il mourut décapité sans doute de la main de bandits définis comme " ennemis du Christ " et donc païens.n On sait, en revanche, de Fridolin qu’il était issu d’une famille puissante et qu’il quitta l’Irlande afin de rejoindre le vieux monastère de St Hilaire où il fut choisi comme abbé afin de superviser sa reconstruction. Il établit ensuite une série de fondations dédiées à St Hilaire, à Eller sur la Moselle, à Metz, à Dillermunster près de Marmoutiers. Il finit ses jours sur une île du Rhin, à Saeckingen.o

     Germain l’Ecossais fut baptisé par St Germain d’Auxerre envoyé en Angleterre en 447 afin de lutter contre l’hérésie pélagienne qui s’y était développée. Au cours de deux missions (en 429-431 avec St Loup de Troyes puis en 447 avec Sévère de Trèves) St Germain d’Auxerre prêcha aux Celtes en débâcle devant les hordes de Saxons. Germain " l’Ecossais " rejoignit ce dernier de retour en Gaule et fut sacré évêque par Sévère de Trèves. Après une tentative d’évangélisation en Germanie, l’évêque irlandais tomba sous le coup " d’un idolâtre " dans la région normande.p

j AA.SS., Fév., t II, p. 34

k Suzanne Martinet : Laon promontoire sacré, Collectif laonnois, p. 57

l AA. SS., Fév., t II, p. 54

m J Heuclin : Aux origines monastiques de la Gaule du Nord, op. cit., p. 117

n J Heuclin : Aux origines monastiques de la Gaule du Nord, op. cit., p. 117

o Dom Louis Gougaud : Les saints irlandais hors d’Irlande, Bureau de la Revue, Louvain 1936, p. 104 ; MGH.SRM., t III, p 359

p L. Fleuriot : Les origines de la Bretagne, op. cit., p. 200

     L’évangélisation en Irlande avait touché des fils et des filles de roi qui furent souvent poursuivies sur le continent par leurs familles restées païennes. Parmi les femmes célèbres qui y prirent place, on compte Dymphna qui s’enfuit en compagnie du prêtre Géréberne en direction de Gheel, près d’Anvers. Elle fut rattrapée par son père qui la tua de sa propre main.j

     Dans la région laonnoise, on compte la présence de Grimonie dont le culte est très ancien à La Capelle et une statue honore le souvenir de Ste Preuve à Laon dans le gable nord de la façade occidentale de la cathédrale.k

     Dans ces premières vagues de moines celtes armoricains ou irlandais des V° et VI°s, peuvent s’ajouter de nombreux noms de légende dont la vie, racontée par des Vitae tardives, n’est qu’une invention destinée à satisfaire le besoin mystique de populations dévotes ou souvent largement enrichie de mille détails merveilleux cadrant avec l’univers mystérieux de l’âme celte dont Ernest Renan lui-même, dans son scepticisme religieux, n’a pu se détacher.l

     Ces noms sont irlandais, Ste Berriona dont le culte fut célébré en Finistère, St Cainnech qui n’aurait pas abordé les côtes d’Armorique, St Maudez ermite du VI°s ayant vécu près du Trieux en Côtes du Nord, St Ronan ermite retiré dans la forêt de Nevet en Cornouaille, Saint Sané évêque du VI°s établi non loin de la Pointe St Matthieu, St Vouga ermite et évêque de Cornouaille.m

j Dom Louis Gougaud : Les saints irlandais hors d’Irlande, op. cit., p. 78

Jean Heuclin : Aux origines monastiques de la Gaule du Nord, op. cit., p. 131

k Suzanne Martinet : Laon promontoire sacré, op. cit., p. 58

l Ernest Renan : Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Gallimard, 1983, p. 55-58

m Dom Louis Gougaud : Saints irl., op. cit., dans l’ordre pp. 4, 46, 135,159, 167, 173.

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