a vague dIrlandais abordant le continent vers la fin du VI°s fut essentiellement constituée de moines sexilant au delà des mers pour un idéal, une quète spirituelle. Les expressions sont nombreuses pour définir les voyages quils entreprirent, " peregrinatio pro amore Christi ", " pro Christo peregrinari volens " n Saint Colomban inaugura cet esprit de voyage sans espoir de retour et fut en quelque sorte celui par qui le génie millénaire celte trouva sa continuité chrétienne dans notre pays. Il y répandit les germes dune celtitude par laquelle on pouvait atteindre Dieu. Son parcours et son uvre furent un exemple pour ceux qui le suivirent, pérégrins, moines, clercs ou laïcs. Colomban naquit vers 543 dune mère chrétienne et fut confié, selon la coutume irlandaise, à un fer leighinn (homme lisant), de qui il apprit le latin.j Son éducation littéraire et sa formation religieuse furent acquises au sein des monastères de Clauin Inis et Bangor.k Le passage par ces communautés donnait non seulement la possibilité datteindre un haut niveau détudes dans une société presque entièrement analphabète, mais permettait également de se soustraire au climat tendu qui y régnait alors. Les guerres claniques faisaient rage dans un pays qui nétait pas encore totalement christianisé et dont les murs étaient restées violentes. La Gaule mérovingienne, lItalie lombarde, lîle de Bretagne connurent ces guerres qui opposaient entre eux des princes dorigine barbare et qui nétaient chrétiens que de nom. Enclin au perpétuel mouvement, Colomban semblait fuir la sédentarité et, par-là, toute forme de repos. Eduqué dans lesprit dune recherche de perfection chrétienne, se sentant membre dune communauté à part et investi dune mission, Colomban décida de sexiler. Vers 589, après un bref passage à travers la Grande Bretagne, il rejoignit la Gaule, accompagné de douze compagnons, tel le Christ en route pour Jérusalem. l Parmi eux Attala, Gall et Colomban dit le jeune.m A la fin du VI°s, la Gaule traversait une crise monastique importante. Plus de deux cents monastères parsemaient le pays mais aucune règle ne les reliait. La discipline sétait beaucoup relâchée et de nombreux moines étaient à nouveau rentrés dans le monde, abandonnant leur vu de chasteté.j Cest alors que cette culture religieuse sessoufflait que surgit sur les pas de Colomban, une vague insulaire qui revivifia la spiritualité monacale en Occident.k La personnalité unique de Colomban, sans doute imprégnée des aspects caractéristiques du tempérament celte, ne fit pas de demi-mesure. Colomban nétait certainement pas un adepte des solutions douces. Traversant la Gaule et fondant des monastères indépendants des clergés locaux, instituant en leur sein une règle rigoureuse, nhésitant pas à braver lautorité des princes de ce monde, notre irlandais sut se faire des ennemis. Toujours placé sous la protection du Pape, ce mouvement monacal fut, certes, apprécié par des encouragements chaleureux mais des rappels à lordre ne se firent point attendre quand la discipline tournait à lintransigeance bornée, quand la marginalité devenait auto-exclusion. Ayant abordé les côtes bretonnes après sêtre laissé dériver au gré des flots, selon la plus cruelle des mortifications, Colomban sillonna le pays et fonda dans les forêts vosgiennes, sur lemplacement dun vieux castrum, le monastère dAnagrates (Annegray).l Vers 590, il y adjoignit une annexe dans les forêts de Haute Bourgogne, sur le lieu dun ancien temple païen, qui dépasserait rapidement en réputation sa première fondation gauloise. Luxeuil fut au centre de la spiritualité colombanienne et le saint y résida pendant près de vingt ans.m Durant ce temps, Colomban batailla fermement contre les relents de paganisme et contre les errances des chrétiens. Bien quayant bénéficié de la faveur de la Cour de Bourgogne qui lavait soutenu contre les réticences de lépiscopat lors de son installation à Luxeuil et à Fontaines, lintransigeance de notre Scot lui valut quelques ennemis redoutables mais aussi ladmiration et la ferveur de nombreux jeunes gens épris dascétisme. Loriginalité du monachisme colombanien résidait dans un état desprit exigeant une haute valeur morale et une vie faite de sacrifices. Cette mentalité ne pouvait être uniquement fondée sur lapplication de la règle, elle devait être vécue, non subie. La règle colombanienne détaillée plus loin était inspirée de la rude tradition irlandaise. Ce pays, qui est une île, qui est une lande déserte balayée par les vents et la pluie, dont la terre est couverte de cailloux, a forgé des hommes au caractère trempé. Le peuple quil a enfanté possède une volonté enracinée dans la chair et dans lâme. Bien des peuples ont approché ce caractère batailleur et obstiné, mais aucun na su intégrer en plus cette foi simple et fidèle, cet élan passionné dans des quêtes lointaines et incertaines, à limage de la vie de St Brendan, découvreur hypothétique de lAmérique avant Leif Erikson ou Christophe Colomb.j Pour avoir publiquement condamné les rapports adultères et la débauche de Thierry II, roi de Bourgogne, pour avoir refusé de bénir ses enfants illégitimes, pour avoir comparé sa grand-mère Brunehaut à Jézabel, pour ne pas sêtre soumis à la date de la Pâques romaine, Colomban fut expulsé du royaume de Bourgogne.k Lorsque, en 610, semblant refuser son départ, locéan renvoya le saint rebelle vers les côtes nantaises, nombreux furent ceux qui virent là un signe de Dieu.j La réputation de Colomban comme celle de ses fondations augmenta encore et accrut la venue de laïcs aristocrates proches de la Cour mérovingienne. Colomban, continuant son périple à travers la Gaule, rencontra Chagnéric, père de Faron (futur évêque de Meaux et protecteur des Scots), de Cagnoald (futur évêque de Laon) et de Fara (future fondatrice de Faremoutiers).k Il rencontra également à Pipimisium le seigneur Autcarius ou Authaire, haut fonctionnaire royal, père dAdon, de Dadon (futur St Ouen et évêque de Rouen) et de Radon (chargé des trésors de Dagobert et devenu moine à la fin de sa vie).l Ces bonnes relations avec de grandes familles mérovingiennes illustrent linfluence de Colomban sur la spiritualité des laïcs en Gaule. Ce dernier était accueilli, demandé et recommandé. On ne saurait ignorer le côté familial et presque clanique qui régnait autour de ce personnage. On vient de voir les relations de parenté qui unissaient certains jeunes aristocrates ; de même, Authaire, devenu veuf se remaria avec une dénommée Mode dont les deux nièces, Théodechilde et Agilberte, furent les premières abbesses de Jouarre.m Ces liens très proches permettent de mieux comprendre le rôle que tout ce monde joua dans le monachisme colombanien après la mort de leur père spirituel. Après ce séjour dans la région de Meaux, Colomban refit une brève apparition à Annegray pour confirmer la responsabilité de St Eustaise sur Luxeuil et choisir quelques moines qui devaient laccompagner en Suisse et en Italie, St Gall, St Cagnoald et St Jonas de Suze (ou de Bobbio).n Avec eux, il partit évangéliser les Alamans et les Suèves.o
Gall, de son nom original Cellach latinisé en Gallus, sétait déjà rendu sur la frontière rhénane où il sétait habitué aux langues étrangères.j Arrivé à Bregenz, en 612, celui ci tomba malade et, ne pouvant continuer le voyage, demanda à Colomban la permission de sarrêter pour finir, en cet endroit, une vie retirée du monde. Non loin du lac de Constance, il se fit bâtir une cellule et mourut quelques années plus tard. Au lieu où se produisirent ces faits, sérigea, en son honneur, une église transformée, au VIII°s, en monastère dédié à son nom.k Ayant laissé derrière eux leur frère souffrant, Colomban, Cagnoald et quelques autres, sétaient enfoncés dans les collines du Voralberg autrichien. Accueillis par Agilulf, roi des Lombards, ils sinstallèrent sur la Trébie, dans la plaine de lApennin, où Colomban décida de fonder le monastère de Bobbio. Usé par des années de marche, de privations et de souffrance, le vieux " soldat insulaire " séteignit le 23 novembre 615. l
|