Les successeurs de St Colomban :

agnoald retourna à Luxeuil accompagné d’Eustaise et de Jonas de Bobbio qui, rédigea plus tard la biographie de Colomban.m Tous deux pouvaient avoir une vision détachée de l’héritage de leur inspirateur ; plusieurs monastères très actifs, des dizaines de moines zélés, de nombreuses relations et le souvenir impérissable d’un grand homme. Sur ces fondations, les successeurs de Colomban firent grandir le réseau irlandais capable d’accueillir les pérégrins en route vers Rome et les moines qui voulaient perpétuer la spiritualité celtique sur le continent. Tous ceux qui avaient pu voir le saint irlandais avant sa mort communiquaient à leurs proches les conseils et recommandations qu’il leur avait fait partager. Aux enfants d’Authaire, à ceux de Chagnéric, à Wandrille, Philibert s’ajoutèrent d’autres noms prestigieux comme Eloi, Omer ou Amand.

m Eustaise était revenu prier Colomban de revenir en Gaule à la demande de Clotaire II. James O’ Carroll : Ste Fare et Faremoutiers, op. cit., p. 6.

     Le premier monastère élevé par les successeurs de Colomban fut celui de Burgondofara. A peine revenu à Pipimisium, Cagnoald assista à un drame dans la maison de son ami Chagnéric. Sa fille Fara, refusant le mariage qui lui était promis, avait été enfermée. Eustaise et Cagnoald parvinrent à faire changer d’avis le père intransigeant. Fara reçut une terre en Brie entre les rivières du Grand Morin et de l’Aubetin et y fit construire, vers 627, un nouveau monastère : Eboriac. La maison s’appela plus tard Faremoutiers et fut bâtie par Cagnoald et Walbert, deuxième abbé de Luxeuil. Cette maison devint un modèle pour les monastère féminins de type luxovien.j

     Adon, fils d’Authaire et d’Aigue, avait été béni par Colomban dans sa jeunesse. Il éleva, vers 630, le monastère de Jouarre. Quand Authaire mourut, sa seconde épouse, Mode, fonda une annexe destinée aux femmes dont les premières abbesses furent ses nièces Théodechilde et Agilberte.

     Ce furent ensuite les fondations de Rebais en 637, Sainte Marie/Saint Jean en 640, Sainte Gertrude de Nivelles en 652, Sainte Bertille, qui venait de Faremoutiers, en 659, Notre Dame de Soissons en 667, Andennes fondée par Begga en 679.k On compte aussi Fontenelle (649), Jumièges (654), Noirmoutiers, Sithiu, Corbie…Les Irlandais de plus en plus nombreux au VII° et VIII°s prirent l’habitude de s’arrêter dans ces relais où ils vivaient un peu à la façon insulaire.

     L’œuvre des disciples et amis de Colomban est considérable. En 623, Cagnoald devint évêque de Laon et abbé de St Vincent ; selon la coutume irlandaise, le cumul des deux charges n’était pas incompatible. Sa place lui conférait quelque importance ; il signa une charte en faveur de Jouarre et une bulle à Meaux pour l’église Sainte Croix de Faron. Il fut présent aux conciles de Clichy en 627 et de Reims en 630. A la demande d’Eloi, il apposa sa signature au bas de l’acte de fondation de Solignac en 632.l

j James O’Carroll : Ste Fare et Faremoutiers, Paris 1956, p. 7

l Suzanne Martinet : Laon, promontoire sacré, op. cit., p. 64

m Suzanne Martinet : Laon, promontoire sacré, op. cit., p. 64

     Faron devint évêque de Meaux et se fit le protecteur de nombreux pérégrins dont le plus célèbre fut sans doute Saint Fiacre.j

     Wandrille résigna ses fonctions de comte et se livra dans une solitude austère à l’ascèse et à des pratiques d’oraison. Il séjournait près du tombeau de St Ursin, disciple de Colomban.k

     Saint Philibert, après avoir visité Luxeuil et Bobbio, suivit à Rebais la règle Colombanienne avant d’être abbé de Jumièges où il dédia un autel au nom de Colomban.l

     Pour saisir l’importance de Colomban dans le monachisme mérovingien, il est nécessaire de se pencher sur les caractéristiques du mouvement dans lequel tant d’hommes et de femmes s’intégrèrent librement.

     Le monachisme colombanien s’inséra dans le mouvement d’expatriation qui toucha de nombreux celtes. On a vu les grands traits de l’exode des Britons, leur attachement à des critères naturels de culture (langues et traditions) et de religion. Les Irlandais, bien qu’infiniment plus restreints en nombre, eurent, malgré tout, les mêmes réflexes. Dans leur exil, les uns et les autres s’attachèrent à des valeurs qui leur donnaient des repères. Ces repères, pour un groupe de moines, se fixaient dans la règle. Celle-ci les unifiait et les dirigeait, elle les enfermait aussi dans leur marginalité. Si elle correspondait un moment aux aspirations de certains chrétiens, la règle rédigée par Colomban ne pouvait toutefois pas durer car elle était trop sévère, trop austère pour être vécue dans la joie du Christ. Elle était surtout difficile à mettre en application pour des gens qui n’étaient pas empreints du caractère irlandais, la preuve en étant que ce furent les moines luxoviens, notamment Walbert, qui, les premiers, la mêlèrent à celle de St Benoît de Nursie.m

j J Heuclin : Aux origines monastiques de la Gaule du Nord, op. cit., p. 121

k Dom Louis Gougaud : Les chrétientés celtiques, op. cit., p. 148 Vita Wandregisili : MGH. SRM., t V, éd B. Krusch 1910, p. 16-18

l Dom Louis Gougaud : Les chrétientés celtiques, op. cit., p. 149

m Stéphane Lebecq : Les origines franques, éd. Seuil 1990, p. 163

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