e réalisme qui caractérisait la statuaire romaine semble nêtre quune parenthèse lorsquon la compare avec les témoignages de la Tène et les réalisations de lEurope du Nord soumise aux peuples germaniques. Autant les Grecs étaient attachés à des formes idéalisées, les Romains à une ressemblance quasi identique aux modèles humains, autant les Celtes laissaient libre cours à leur imaginaire pour symboliser les dieux et les hommes. Lapparente rigidité des statues celtiques en pierre et en métal nest que lexpression dune humanité figée dans ses formes pour léternité. " Cette grossièreté est la manifestation initiale des mêmes tendances stylistiques qui dominent nos arts modernes ".k Laccent mis sur le monde animal et les végétaux reflète le mode de vie des populations celtes (composées de chasseurs ou dagriculteurs). La société celtique passe pour avoir un sentiment religieux profondément enraciné du à cette proximité de la nature, création dun ordre supérieur ; elle a également le culte du héros. Le forgeron qui détenait le matériau et les secrets de la fabrique des armes était un personnage central comme létait le champion qui revêtait la cuirasse, le casque et lépée afin de protéger sa communauté, comme létait aussi le barde, mémoire de la tribu. On a donc assisté, avec cette spécialisation, à un culte de lindividualisme et à un rapport intime à la nature.
Témoignages de ce caractère, la statuaire apparaît cependant comme malhabile, pourtant M. Lantier décrit un visage que lon retrouvera bien des siècles plus tard, en plein cur du Moyen Age. " ( ) Opposition entre la largeur du front et de la région temporale et létroitesse de la partie inférieure de la face( ). Sur toutes ces faces, ovales ou carrées, on reconnaît un certain nombre de traits communs : mêmes joues aux pommettes saillantes, même nez droit, élargi à larête, mêmes arcades sourcilières dessinant un arc de cercle prononcé : mêmes gros yeux ovales et saillants, aux paupières incisées par un fort bourrelet, ou, sur les statuettes de bronze, par des incisions en feuilles de fougère. Mêmes chevelures plaquées en calottes touffues au dessus du front bombé et retombant en longues mèches rigides et parallèles sur le cou large et épais ".j Ces traits stylistiques se retrouvent à la fois dans les sculptures sur pierre et le travail du métal (Comme illustration de ces observations, on trouvera en annexe 7, le monstre androphage de Tarasque de Noves et quelques figures du chaudron de Gundestrup) comme dans les futurs évangéliaires irlandais.On ne peut ignorer les nombreuses résurgences celtiques qui parsèment lhistoire artistique du Moyen Age, dans la peinture et les nombreux gisants de nos cathédrales. Ces reprises ne se voient pas que dans le domaine de lart, de multiples légendes lient le christianisme médiéval aux thèmes du paganisme celtique. Saint Denis tient sa tête dans ses mains comme le héros irlandais Cu Chulainn, car les Celtes voyaient lâme du mort dans sa tête coupée.k Cest pourquoi la tête de bronze de Tarbes (annexe 5) avait un cou creux qui permettait de la ficher sur une hampe et de pouvoir lexposer.
Les cervidés et les sangliers étaient, dans les folklores européens, en relation avec lau-delà, ce qui explique leur représentation courante dans la statuaire celtique. Les clochettes du char de Merida (conservé au Musée des Antiquités Nationales, annexe 7) annoncent la mort prochaine du sanglier chassé. Or, au Moyen Age, les clochettes annonçaient toujours larmée des morts.jEt cest entre les bois dun cerf quil sapprêtait à tuer que Saint Hubert vit le crucifix Ces anecdotes sont innombrables et semblent rejeter la thèse selon laquelle lempire romain avait réussi à acculturer les peuples celtes qui résidaient en Gaule, argument qui justifia larrêt de la période de la Tène à la défaite de Vercingétorix à Alésia en 52 avant J. C.k Curieusement, les peuplades germaniques qui sinstallèrent sur le territoire de la Gaule semblent avoir conservé les aspects principaux du style celtique, mis à part le caractère spirituel unitaire que leur société ne semblait pas connaître. En effet, les Francs, les Burgondes, les Wisigoths ou les Alamans navaient pas de groupe religieux qui auraient pu leur conférer cet aspect fédérateur. Cest que ces tribus germaniques avaient toujours été divisées entre elles et navaient pas encore effectué leur sédentarisation. Au V°s, tous ces peuples étaient des semi-nomades et leur organisation interne reposait bien plus sur lautorité des roitelets qui cumulaient les responsabilités militaires et religieuses que sur celles de personnages à légal des druides.l Le fait que ces peuples changeaient régulièrement dhabitat ne favorisa pas, dans leurs déplacements, la création dune statuaire propre à leurs concepts culturels. Ils neurent donc pas de sculpteurs connaissant les techniques qui prévalaient chez les Gallo-romains à la fin de lempire. Cest pourquoi leurs quelques pierres tombales apparaissent grossières et infantiles, comme celle de Niederdollendorf (VII°s).
On doit aussi envisager que les Germains ne partageaient pas les mêmes critères de beauté que ceux en vogue dans lempire gréco-latin ou chez les Celtes de la Tène, bien quils soient bien proches de ces derniers par de nombreux aspects, cest à dire leur caractère profondément rural de chasseurs et dagriculteurs, leur divinisation des forces de la nature, leur culte du chef.
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